🇺🇸 🇬🇧 To read the English version of this post, just click here !

J’ai passé mes deux semaines de vacances à compiler des récapitulatifs annuels des audiences en streaming aux Etats-Unis pour la boutique Patreon et ce faisant, je me faisais la réflexion que les films et séries Disney+ allaient de moins en moins haut dans les différents classements au fur et à mesure des années. D’où l’idée de regarder cela de façon plus globale dans un article un peu plus approfondi. J’ai déjà publié une étude plus tôt cette année sur les affres des séries et films Marvel et Star Wars sur Disney+ à lire ici et on va voir que les deux sont intrinsèquement liés.

Ne tournons pas autour du pot : il y a effectivement eu une baisse très notable des audiences sur Disney+, une baisse que je ne peux hélas qu’analyser que par le prisme des audiences US via Nielsen avec tous les manques et les limites que cela inclue mais que cela ne nous empêche pas d’entrer en détail dans le sujet.

Les films

J’ai commencé par regarder les 5 films ayant fait le plus d’audience sur Disney+ sur leurs premiers 14 jours de sortie chaque année entre 2021 et les 9 premiers mois de 2025 pour en faire la moyenne. C’est un indicateur imparfait mais qui montre l’impact des plus gros succès sur une année et leur évolution. Voilà ce que ça donne :

Comme on peut le voir, les temps des scores d’audience à la Luca ou à la Turning Red sont désormais bien loin avec des films comme Moana 2 et Elemental qui n’arrivent désormais plus à accrocher la barre des 35M d’EVCs en 14 jours, et ce malgré leurs succès dans les salles ciné. Les films Marvel aussi sont en berne, eux qui parvenaient sans problème à dépasser les 17-18M d’EVCs par le passé et qui sont désormais chanceux s’ils dépassent les 10M d’EVCs.

La moyenne du Top 5 a perdu quasiment 40% entre 2022 et 2025. Je sais ce que vous allez me dire “Oui, mais c’était le confinement en 2021 et 2022, le COVID et le public regardait bien plus de choses à l’époque que maintenant”. C’est un argument tout à fait valable et j’imagine que l’on verra la même tendance à la baisse chez les autres streamers, n’est-ce pas ? Eh bien, pas du tout puisque j’ai aussi regardé la moyenne annuelle des 5 films les plus regardés sur Netflix et Amazon Prime entre 2021 et 2025 et les résultats sont assez étonnants :

Je pense que si je devais mettre en un graphique pour résumer la guerre du streaming, ce serait celui-là parce qu’il englobe à peu près tout ce qu’il y a à savoir dessus. Nous avons d’abord Netflix dont la constance année après année est quasi-algorithmique avec une moyenne qui n’évolue quasiment pas depuis 2023. C’est symptomatique d’un service dont le streaming est le focus principal (et unique).

Puis, il y a Amazon Prime qui navigue à vue, sans stratégie claire et stable et cela donne sans surprise une courbe qui monte et qui descend, au gré des atermoiements de son état-major entre focus sur son service ou focus sur les sorties ciné.

Enfin donc, il y a Disney+ qui est en perte de vitesse très nette après avoir été l’un des plus formidables concurrents de Netflix aux US lors de son lancement et de ses premières années, quand l’objectif de la Mouse House était l’engagement de ses abonnés sur le service sous l’ère Chapek, ce qui passait par sortir des films inédits directement sur Disney+ en s’attirant les foudres de nombreux observateurs et cinéphiles mais qui produisait les résultats attendus. En déplaçant son focus des films inédits à ceux sortis au ciné d’abord, Disney y a sans doute gagné financièrement (quand les films sont des hits en salles, n’est-ce pas Elio) mais il a perdu en audience globale sur Disney+.

Bref, du côté des films, ce n’est clairement pas la fête chez Disney+ mais c’est encore pire du côté des séries.

Les séries

Pour les séries, limites de Nielsen oblige, je ne vais aborder que les nouvelles séries et non les séries sur plusieurs saisons. Il n’y en a pas beaucoup de toutes façons et si cela vous intéresse, j’ai déjà parlé en long en large et en travers du sort des séries Marvel et Star Wars sur Disney+ et de leur trajectoire descendante depuis 2021. En 2025, pour l’instant, c’est encore pire parce que je ne suis pas arrivé à trouver trois nouvelles séries hebdo Disney+ à intégrer pour cette année en cours et j’ai même dû estimer pour Daredevil: Born Again en me basant sur les chiffres Luminate parce que la série n’a jamais intégré le Top 10 Nielsen lors de sa diffusion. Forcément, impossible aussi dans ces cas-là de faire une moyenne d’un éventuel Top 3 mais vous l’aurez compris, elle est forcément très basse, bien plus basse que les années précédentes.

La sortie repoussée de Wonder Man à début 2026 au lieu de fin 2025 fait qu’il n’y aura sans doute aucune autre nouvelle série Disney+ hebdomadaire que Ironheart dans un Top 10 Nielsen cette année (et elle ne doit sa présence qu’à sa sortie en deux semaines de 3 épisodes). Du jamais-vu.

Là aussi, Disney a clairement décidé d’arrêter les frais et le service se retrouve dans une situation assez précaire. Quand il sortait plein de séries Marvel ou Star Wars, les audiences suivaient mais en déclinant à chaque nouvelle sortie et en alimentant la fatigue envers les deux univers. Le ralentissement des sorties aurait dû en théorie raviver la flamme mais c’est le contraire qui s’est produit, avec des audiences bien pires. Comment se sortir de ce pétrin ? Le seul point fort dans cette infographie est la sortie de Percy Jackson & The Olympians qui est le seul véritable hit de Disney+ depuis deux ans et c’est peut-être ça l’espoir : se concentrer sur des séries à gros budget dans des univers existants mais qui n’ont aucun lien avec Marvel et Star Wars. Un peu dommage pour un service qui s’est bâti principalement sur ces deux univers.

L’audience globale aux US.

Cette baisse d’engagement sur Disney+ est aussi très notable dans la Nielsen Gauge qui montre chaque mois la part de marché des streamers sur les TVs américaines. Depuis cette année, Nielsen cumule d’ailleurs les audiences de Disney+ et Hulu au sein d’un même groupe appelé Disney Streaming mais cela ne change rien au constat tant les destins de Hulu et de Disney+ semblent liés.

Cet ensemble a atteint son pic en octobre 2022 après quasiment 6 mois de hausse continue pour atteindre 6% du temps d’écran sur TV. En novembre 2022, Bob Chapek, le CEO de l’époque est remercié et Bob Iger revient aux commandes de Disney. Depuis, la part d’écran cumulée des deux services n’a cessé de diminuer pour atteindre en septembre 2025 4,5%, son plus bas niveau depuis décembre 2023.

Un temps à la poursuite de Netflix, Disney Streaming est désormais 3,8 points derrière alors qu’au plus fort de cette rivalité, il n’était qu’à 1,2 point en octobre 2022. Derrière, l’écart entre les services Disney Streaming et sa proche concurrence se resserre. On voit que l’écart avec Amazon Prime Video notamment se réduit à peau de chagrin, passant de 2,7 point d’avance en moyenne en 2022 à 1,1 point d’avant en moyenne en 2025.

HBO Max et Peacock ont aussi réduit leur retard sur Disney+/Hulu mais semblent stagner en 2025 par rapport à 2024. Seul Paramount+ a perdu un peu de terrain sur l’ensemble Disney Streaming entre 2024 et 2025. Paramount+ et HBO Max ont des soucis autres à gérer en cette année 2025 donc on peut comprendre que leur tête ne soit pas à fond dans la guerre du streaming mais ce sont aussi des services qui ont fait le choix, comme Disney+/Hulu de se focaliser davantage sur l’exploitation ciné et la réduction des sorties au détriment de l’engagement en streaming.

Des coûts toujours élevés.

Moins de séries originaux, moins de films originaux, moins de dépenses générales pour Disney+, tel semblait être le mandat de Bob Iger à son retour fin 2022, censé remettre de l’ordre dans les finances de la branche streaming. S’en sont suivies des purges de programmes sur Disney+, des annulations de séries prévues et un retrait généralisé des productions originales pour n’en garder que l’essentiel : quelques séries d’envergure. En théorie, cela aurait dû permettre de sacrées économies à Disney sur les coûts de Disney+ mais même pas. Là aussi, les coûts de programmation et de production de Disney+ et d’Hulu restent à des niveaux très élevés et pas si en retrait que ça par rapport à l’ère Chapek.

Ce qu’a fait Iger sans doute, c’est plutôt dit “Ne dépensons pas plus que ce que vous avez fait là” et c’est la ligne que s’est fixée Disney+ depuis le Q4 2022, quand Chapek a été remplacé. C’est exactement pareil du côté de Hulu mais quand on regarde le cumul, on voit que la somme des coûts de productions et de programmation de Disney+ et Hulu a été sensiblement la même chaque trimestre depuis la transition Chapek/Iger et pas significativement plus basse. Chapek aurait-il fait pareil ou aurait-il continué d’investir toujours plus dans les productions Disney+ et Hulu ? Impossible à dire. Ce qui est sûr, c’est que Disney dépense autant maintenant en coûts de production et de programmation qu’au Q4 2022 mais pour une audience bien moindre.

Donc si je récapitule : audiences en baisse, voire très forte baisse, concurrence qui se rapproche et coûts toujours aussi élevés, voilà qui ne dresse pas le portrait d’un service qui va bien. Et pourtant…

Pas encore abonné ? Rejoignez les 1900+ pros du secteur audiovisuel, journalistes et amateurs déjà abonnés à Netflix & Chiffres ! Abonnez-vous et recevez dans votre boite mail chaque mercredi l’aperçu de toutes les audiences sur Netflix dans le monde et chaque samedi l’aperçu des audiences en streaming aux Etats-Unis sur tous les services.

Gratuit. Sans pub. Désinscription possible à tout moment.

Un nombre d’abonnés en hausse.

L’engagement est-il si important quand vous avez toujours plus d’abonnés prêts à donner toujours plus d’argent pour un service qu’ils utilisent moins ?

Dans le monde, le service atteint 127,8 millions d’abonnés, son plus haut niveau officiellement si on ne compte pas tout le storytelling des premières années. En effet, entre 2019 et 2024, Disney “gonflait” artificiellement ses chiffres d’abonnés à Disney+ avec une perfusion d’abonnés à son service indien Hotstar qui ajoutait de 40 à 60 millions d’abonnés supplémentaires qui n’étaient pas là pour l’univers Disney mais pour les droits sportifs. Quand cette source d’abonnement a périclité, Disney, en bon conteur d’histoires, a changé le périmètre en mettant de côté le business indien avant de le revendre. La petite plaisanterie aura duré jusqu’au dernier trimestre 2024 et au lieu de dire que Disney+ a perdu 35 millions d’abonnés mondiaux entre le Q3 2022 (dernier trimestre de l’ère Chapek) et le Q2 2025, on peut donc officiellement repartir sur un storytelling de croissance quasi-continue sur les six dernières années (en attendant les prochains résultats financiers).

Ce que je trouve fascinant dans ce graphique, c’est qu’après une très forte période de hausse des abonnés, celle-ci s’arrête brutalement au Q4 2022 (encore lui !) et dure quasiment une année avant de repartir à la hausse, mais une hausse moins élevée. C’est comme si le remplacement surprise de Chapek par Iger avait stupéfié jusqu’aux abonnés de Disney+.

Aux US, c’est la même chanson avec un service qui n’a jamais eu autant d’abonnés que maintenant, aux alentours de 57,8 millions d’abonnés après deux années à stagner autour des 44-46 millions. La recette magique pour se sortir de ce pétrin ? L’ajout de Disney+ à un bundle de téléphonie très utilisé. Des abonnés acquis facilement donc mais qui n’utilisent pas forcément le service (ou ne savent pas qu’ils en disposent).

Des revenus (et des bénéfices) en hausse.

Du côté des revenus, là aussi, Disney+ peut se féliciter d’une courbe en progression constante avec un service qui rapporte désormais plus de 3 milliards de dollars par trimestre.

On l’a vu, les dépenses du côté de chez Disney+ et Hulu n’ont quasiment pas baissé depuis le pire trimestre de l’ère Chapek (son dernier) mais c’est donc une toute autre histoire pour les revenus nets. De 1,4 milliard de dollars de pertes au Q3 2022 (c’est vraiment la pierre angulaire ce trimestre, celui qui a précipité la chute de Chapek), on est désormais autour de 350 millions de dollars de bénéfices pour les services de streaming Disney.

La solution était simple ici : stabiliser les dépenses et augmenter les revenus en augmentant le prix des abonnements. Depuis le Q4 2022, le revenu moyen par abonnement est passé de 3,9$ à 7,86$ au Q2 2025 soit le double ! Et sans que cela ait un impact négatif sur le nombre d’abonnés total.

Financièrement donc, tout va pour le mieux pour Disney+ et pour les services de streaming du groupe Disney et c’est tout le paradoxe de Disney+ qui n’a jamais fait aussi peu d’audience avec autant d’abonnés et autant de bénéfices.

Pour l’instant donc, le service n’a donc aucun impératif à renverser la table de ses fondamentaux pour augmenter cet engagement. Les abonnés sont toujours là, toujours plus nombreux, ils continuent de payer toujours plus pour accéder, on l’imagine, au catalogue classique Disney plutôt qu’aux nouveautés dont les audiences sont en forte baisse. Disney+ ressemble désormais bien plus à un coffre-fort (le fameux vault si cher à Disney) qu’on aime avoir mais qu’on n’utilise pas forcément.

Combien de temps cela peut-il encore durer ? Le fan de Disney n’est pas tout à fait un client comme les autres grâce à l’amour de marque cultivé par la Mouse House. Il semble moins sensible au prix du moment qu’il a accès à un catalogue de programmes plus ou moins vieux qu’il (ou sa progéniture) va regarder en boucle. Il payera ce qu’il faut pour accéder au parc, même si les prix d’entrée augmentent encore et toujours. Et ceux qui décident d’arrêter les frais sont immédiatement couverts dans les résultats financiers par ceux qui continuent de payer davantage.

C’est vraiment un cas à part dans le paysage du streaming mondial et une place enviable pour beaucoup, mais qui aura sans doute un plafond. La question est de savoir : quand sera-t-il atteint ? Ce qui est certain, c’est que pour les audiences, on ne parle plus de plafond mais bien de plancher. Et que la question se pose encore de savoir quand il sera atteint lui aussi.

Si vous avez aimé ce numéro de Netflix & Chiffres, pourquoi ne pas partager cette newsletter à quelqu’un que cela pourrait aussi intéresser ?

Vous pouvez me retrouver ici :

  • 🎙️ Le podcast mensuel Netflixers sur l’actu du streaming.

  • 💬 Mon compte BlueSky.

  • 📧 Par mail, pour toutes vos questions et commentaires.

  • 💶 Sur Patreon, où je vends des dossiers sur les audiences du streaming.

  • 🎞️ Sur Letterboxd, le Serializd des films.

  • 📺 Sur Serializd, le Letterboxd des séries.